Le tribunal d'arbitrage de Moscou a prononcé, mardi 1er août, la liquidation de Ioukos, ex-numéro un du pétrole russe, jugeant le groupe insolvable après une série de redressements fiscaux. La Cour "reconnaît la cessation de paiements et lance une procédure de liquidation judiciaire", a déclaré le juge Pavel Markov, concluant à l'insolvabilité du groupe après moins d'un quart d'heure de délibérations.
Le juge a précisé que la procédure de liquidation devait durer un an et a nommé Edouard Rebgoun, actuel administrateur judiciaire de la compagnie, liquidateur du groupe. A la sortie du tribunal, M. Rebgoun a précisé que "tous les actifs de la compagnie" seraient vendus, ne laissant aucun doute sur la disparition de la compagnie pétrolière.
"C'est la peine de mort pour la compagnie", a asséné un des avocats de Ioukos, Drew Holiner. "Il n'y a aucun doute que tous les actifs seront vendus et à un prix plus bas que celui du marché", a renchéri M. Holiner, précisant que la direction du groupe allait certainement faire appel de cette décision. "Toutes les actions qui ont mené à cette faillite ont déjà été contestées devant la Cour européenne des droits de l'homme", a-t-il également souligné.
Le groupe a entamé sa descente aux enfers en 2003 avec des redressements fiscaux massifs et une vaste offensive judiciaire contre ses propriétaires, perçue par certains observateurs comme orchestrée par le Kremlin pour permettre le retour du contrôle de l'Etat sur des actifs juteux et neutraliser un potentiel adversaire politique.
Mardi 25 juillet, les créanciers du groupe, essentiellement le fisc, avaient voté à une majorité écrasante contre le plan de sauvetage présenté par la direction et pour la mise en liquidation. Cinq jours plus tôt, l'Américain Steven Theede, qui dirigeait le groupe pétrolier depuis 2003, avait annoncé sa démission, qualifiant de "farce" la procédure de redressement judiciaire de la compagnie.
LES RESTES DE IOUKOS AUX ENCHÈRES
L'administrateur judiciaire, Edouard Rebgoun, avait lui jugé que Ioukos ne pouvait être solvable, la valeur des actifs du groupe étant inférieure à ses dettes de plus de 18 milliards de dollars. Une curieuse conclusion, alors que les analystes estimaient les actifs du groupe autour de 30 milliards de dollars et que Ioukos continue toujours à extraire près d'un demi-million de barils de brut par jour.
Devant le tribunal, Tim Osborne, directeur financier du holding GML (ex-Menatep) et représentant des actionnaires principaux du groupe, a de nouveau mis en doute les conclusions de l'administrateur. "On n'a pas besoin d'être un expert financier pour comprendre qu'une compagnie qui a des actifs de 38 milliards de dollars et des dettes de 18,5 milliards n'est pas insolvable", a-t-il déclaré dans une lettre lue devant la cour. M. Osborne a qualifié cette procédure de "façade destinée à créer une apparence de légalité".
D'autres estimations "erronées" ont déjà, dans le passé, été dénoncées par les analystes : la principale filiale de production du groupe, Iouganskneftegaz, avait ainsi été cédée en 2004 pour 9,35 milliards de dollars, bien moins que sa valeur estimée, à un groupe inconnu, Baïkalfinansgroup, repris peu après par la compagnie publique Rosneft.
La direction de Ioukos a également repoussé un accord de dernière minute avec le géant gazier russe Gazprom, qui lorgne entre autres la participation de 20 % de Ioukos dans le pétrolier Gazprom Neft (ex-Sibneft), et espérait la reprendre moins cher que lors d'une vente aux enchères. Le groupe Rosneft, qui a prospéré après avoir acquis la principale filiale de Ioukos, a déjà prévenu qu'il visait les raffineries du groupe. Mais ce sont les plus beaux restes du groupe, ses filiales des production Tomskneft et Samaraneftegaz, qui devraient être les plus disputées.